PHILOSOPHIE DU FAIT RELIGIEUX (VERSION LONGUE)

CHERCHEZ L’INTRUSE

De laquelle de ces définitions n'a-t-on jamais soutenu qu'elle était le "sens premier" du mot religion ?

• C'est un ensemble de pratiques qui permet de relier les membres d'une communauté "au plus profond d'eux-mêmes".

• C'est une compétence rare qui permet d'enseigner aux autres la façon dont il convient de s'adresser à des forces qui dépassent la capacité de l'esprit humain, d'obtenir d'elle des signes, des messages, de les recueillir et de les interpréter (la juste relation aux esprits, aux génies, aux démons, aux dieux et aux déesses, etc.).

• C'est une attitude d'attention scrupuleuse (de respect inconditionnel, de dévouement sans contrainte, de soin désintéressé...) à ce qui n'a de valeur que spirituelle et que les "esprits faibles" négligent.

• C'est le pouvoir de se situer "au-dessus du cours des choses", soit pour le modifier en notre faveur, soit pour le connaître à l'avance et s'y adapter, soit pour remonter à l'origine cachée de tel ou tel "mal".

La définition en question ne concerne donc pas la religion, mais une attitude dont justement on a voulu distinguer la religion. Il s'agit de :

• La philosophie.

• L'écriture scientifique de l'histoire.

• La superstition.

• Le paganisme.

CHERCHEZ L’INTRUSE

Lequel de ces critères n'est pas, en philosophie, un critère traditionnel de la piété ?

• La fortitude (fortitudo en latin, que l'on pourrait traduire précisément par "fermeté d'âme", plus largement par l'absence de crainte, la tranquillité d'esprit, la ressource face à ce qui pourrait le troubler, la lucidité et le courage...)

• L'esprit de paix. (Ou "de concorde".)

• Le désintéressement. (Et les vertus associées : charité, générosité, justice, miséricorde...)

• Les dons magiques. (En posséder, ou savoir les reconnaître, savoir les honorer par des offrandes.)

CHERCHEZ L’INTRUSE

Lequel de ces termes ne désigne pas précisément une compétence exceptionnelle ou exclusive dans l'ordre des "choses sacrées", de leur manipulation, de leur administration ?

• Sacerdoce.

• Hiérarchie.

• Clergé.

• Doctorat.

Les rapports rendus par Pew Research Center depuis 2010 situent la proportion, dans la population mondiale, des personnes "se reconnaissant dans une croyance en matière de religion" dans une fourchette de 8 à 9 personnes sur 10.

Dans la dernière actualisation accessible de cette enquête, il apparaissait que cette catégorie de population (qui compose donc en fait la quasi-totalité de la population mondiale) pouvait elle-même répartie en une dizaine de regroupements, les trois principaux étant la "famille" chrétienne (un peu moins du tiers), la "famille" islamique (un peu moins du quart) et un dernier regroupement (aux alentours de 15%) baptisé du nom savant de non-affiliated, ce qu'on traduit tantôt par "irréligion", tantôt par "indifférence religieuse".

Quand on examine les choses de plus près, on voit que ce dernier regroupement est lui-même composé aux cinq septièmes d' "agnostiques", à un septième de "théistes" et à un septième... de personnes "athées".

Cela signifie que cette enquête d'opinion tranche sans le dire la question de l'essence de la religion et adopte comme composante essentielle de la religion :

• La piété.

  C'est-à-dire la tendance à plier sa conduite (idéalement : sa vie entière) à des exigences "spirituelles", à des règles qu'on ne peut respecter "que par force d'esprit", de façon désintéressée. ("faire preuve de religion", "écouter religieusement").

• La foi.

  C'est-à-dire l'adhésion à un "message" (qu'il prenne la forme d'un récit ou d'une doctrine) dont le contenu dépasse la capacité de notre esprit à l'appréhender et nécessite le développement de "compétences" exceptionnelles. ("se faire une religion", "avoir une religion", avoir "des convictions" en matière de religion).

• L'attachement à un culte.

  C'est-à-dire : à un ensemble de coutumes qui manifestent la force d'un "esprit collectif" à travers le temps et à travers la diversité des "agenda" et des "rôles" sociaux (faire partie des "fidèles" de telle ou telle "confession", "congrégation" ou "église", être de telle ou telle "obédience", etc.).

Que signifie techniquement le terme de laïcité ?

• Que le rapport magique aux mots et aux symboles laisse la place, partiellement ou totalement, au rapport logique, y compris dans le domaine de la Foi.

• Qu'on ne se soucie plus de "la destination finale" ou, en tout cas, que ce souci n'oriente plus l'activité de tous les jours dans la société et que la religion semble se réduire à un folklore.

• Que le gouvernement des affaires communes n'ait pas à être pas dirigé par le clergé ou par des personnes désignées et autorisées par lui ("consacrées"), mais que, réciproquement, le gouvernement ne puisse revendiquer aucune "inspiration", aucune autorité en matière spirituelle, qu'il n'ait rien à enseigner concernant les choses de la foi ni à imposer en termes de rite ou de comportement religieux.

CHERCHEZ L’INTRUSE

Parmi ces termes, lequel ne sert pas à désigner (et, pour les personnes religieuses, à disqualifier) des formes de Foi où l'on peine à distinguer magie et religion ?

• Fétichisme.

• Idolâtrie.

• Théisme.

• Superstition.

Un de ses biographes raconte que Spinoza fit, à la propriétaire d'une des pensions où il vécut de très modeste façon, la veuve Van Velden, qui lui demandait si la religion dont elle était une fidèle était la bonne voie vers le salut, la réponse suivante :

Votre religion est bonne, vous n’en devez pas chercher d’autre ni douter que vous n’y fassiez votre salut, pourvu qu’en vous attachant à la piété vous meniez en même temps une vie paisible et tranquille.

Cette réponse relève :

• De l'anticléricalisme.

• De l'athéisme.

• De l'indifférence religieuse.

• De l'indifférence à la religion.

L'Apologie de la religion chrétienne est une oeuvre inachevé de Blaise Pascal qui nous a été transmise sous la forme du recueil Pensées.

Dans le célèbre fragment dit du "pari", Pascal prétend démontrer la rationalité de la foi (du moment qu'elle est foi en une divinité toute-puissante). Ce fragment s'arrête en réalité au moment où Pascal met en scène un dialogue où la capacité de cette démonstration à déclencher en réalité la moindre conversion est contestée avec virulence :

Mais apprenez au moins que votre impuissance à croire, puisque la raison vous y porte, et que néanmoins vous ne le pouvez, vient de vos passions. Travaillez donc, non pas à vous convaincre par l’augmentation des preuves de Dieu, mais par la diminution de vos passions. Vous voulez aller à la foi, et vous n’en savez pas le chemin ; vous voulez vous guérir de l’infidélité, et vous en demandez les remèdes : apprenez de ceux qui ont été liés comme vous, et qui parient maintenant tout leur bien ; ce sont gens qui savent ce chemin que vous voudriez suivre, et guéris d’un mal dont vous voulez guérir. Suivez la manière par où ils ont commencé : c’est en faisant tout comme s’ils croyaient, en prenant de l’eau bénite, en faisant dire des messes, etc. Naturellement même cela vous fera croire et vous abêtira.

De quoi Pascal cherche-t-il ici à avertir ses lecteurs et ses lectrices ?

• Que la religion rend bête.

• Que la coutume est seule importante.

• Que la coutume est plus importante que l'enseignement de la Foi et que les Bonnes Oeuvres dans la diffusion et la perpétuation d'un croyance religieuse.

• Que l'observation des coutumes est un soutien aussi indispensable à l'exercice de la Piété et de l'Amour véritable que la perfectionnement de la raison jusqu'à l'appréhension de "la raison ultime".

Que signifie la formule célèbre selon laquelle "la religion est "l'opium du peuple." ?

Pour vous aider, vous trouverez ci-dessous le contexte immédiat dans lequel elle a été originellement proférée :

"Le fondement de la critique irréligieuse est celui-ci : l'homme fait la religion, ce n'est pas la religion qui fait l'homme. La religion est en réalité la conscience et le sentiment propre de l'homme qui, ou bien ne s'est pas encore trouvé, ou bien s'est déjà reperdu. Mais l'homme n'est pas un être abstrait, extérieur au monde réel. L'homme, c'est le monde de l'homme, l'État, la société. Cet État, cette société produisent la religion, une conscience erronée du monde, parce qu'ils constituent eux-mêmes un monde faux. La religion est la théorie générale de ce monde, son compendium encyclopédique, sa logique sous une forme populaire, son point d'honneur spiritualiste, son enthousiasme, sa sanction morale, son complément solennel, sa raison générale de consolation et de justification. C'est la réalisation fantastique de l'essence humaine, parce que l'essence humaine n'a pas de réalité véritable. La lutte contre la religion est donc par ricochet la lutte contre ce monde, dont la religion est l’arôme spirituel.

La misère religieuse est, d'une part, l'expression de la misère réelle, et, d'autre part, la protestation contre la misère réelle. La religion est le soupir de la créature accablée par le malheur, l'âme d'un monde sans cœur, de même qu'elle est l'esprit d'une époque sans esprit. C'est l'opium du peuple." (Karl MARX, Contribution à la critique de La philosophie du droit de Hegel, Introduction)

• Qu'il faut interdire la mise en circulation de messages à caractère religieux, punir les personnes qui en assurent le trafic et même celles qui absorbent au final les messages religieux, comme on le fait pour les personnes qui trafiquent certaines catégories de drogues ou les consomment.

• Que, comme la consommation d'opium, l'assimilation de messages religieux aurait du rester un privilège réservé à des personnes fortunées, voire à des personnes "bien nées" et qu'elle ne devient une source de trouble pour l'organisation sociale que quand elle devient accessible "au vulgaire".

• Que, comme l'opium, la religion ne fait que "nous endormir".

• Que, comme l'opium, la religion est un remède illusoire à une souffrance qui semble inévitable, mais aussi que, tant qu'on ne supprime pas la souffrance qui en fait éprouver le besoin, prétendre supprimer l'option de ce remède ne peut donner qu'à une lutte sans fin et, si on la retire brutalement, à une lutte violente.