PHILOSOPHIE DU FAIT RELIGIEUX 2

Les rapports rendus par Pew Research Center ("centre de recherche de la fondation Joseph Pew", cette dernière étant une organisation caritative basée à Washington) depuis 2010 situent la proportion, dans la population mondiale, des personnes "se reconnaissant dans une croyance en matière de religion" dans une fourchette de 8 à 9 personnes sur 10. Dans la dernière enquête accessible (2017), il apparaissait que cette catégorie de population (qui compose donc en fait la quasi-totalité de la population mondiale) pouvait elle-même répartie en une dizaine de regroupements, les trois principaux étant la "famille" chrétienne (un peu moins du tiers), la "famille" islamique (un peu moins du quart) et un dernier regroupement (aux alentours de 15%) baptisé du nom savant de non-affiliated, ce qu'on traduit tantôt par "irréligion", tantôt par "indifférence religieuse". Quand on examine les choses de plus près, on voit que ce dernier regroupement est lui-même composé aux cinq septièmes d' "agnostiques", à un septième de "théistes" et à un septième... de personnes "athées". Cela signifie que cette enquête d'opinion tranche sans le dire la question de l'essence de la religion et adopte comme composante essentielle de la religion :

• La piété, la tendance à plier sa conduite (idéalement : sa vie entière) à des exigences "spirituelles", à des règles qu'on ne peut respecter "que par force d'esprit", de façon désintéressée. ("faire preuve de religion", "écouter religieusement").

• La foi, l'adhésion à un "message" (qu'il prenne la forme d'un récit ou d'une doctrine) dont le contenu dépasse la capacité de notre esprit à l'appréhender et nécessite le développement de "compétences" exceptionnelles. ("se faire une religion", "avoir une religion", avoir "des convictions" en matière de religion).

• L'attachement à un culte, à un ensemble de coutumes qui manifestent la force d'un "esprit collectif" à travers le temps et à travers la diversité des "agenda" et des "rôles" sociaux. (faire partie des "fidèles" de telle ou telle "confession", "congrégation" ou "église", être de telle ou telle "obédience", etc.).

Que signifie techniquement le terme de "laïcité" ?

• Que le rapport magique aux mots et aux symboles laisse la place, partiellement ou totalement, au rapport logique, y compris dans le domaine de la Foi.

• Qu'on ne se soucie plus de "la destination finale" ou en tout cas que ce souci n'oriente plus l'activité de tous les jours dans la société et que la religion semble se réduire à un folklore.

• Que le gouvernement des affaires communes n'ait pas à être pas dirigé par le clergé ou par des personnes désignées et autorisées par lui ("consacrées"), mais que, réciproquement, le gouvernement ne puisse revendiquer aucune "inspiration", aucune autorité en matière spirituelle, qu'il n'ait rien à enseigner concernant les choses de la foi ni à imposer en termes de rite ou de comportement religieux.

Parmi ces termes, lequel ne sert pas à désigner (et, pour les personnes religieuses, à disqualifier) des formes de Foi où l'on peine à distinguer magie et religion ?

• Fétichisme.

• Idolâtrie.

• Théisme.

• Superstition.

Un de ses biographes racontent que Spinoza fit, à la propriétaire d'une des pensions où il vécut de très modeste façon, la veuve Van Velden, qui lui demandait si la religion dont elle était une fidèle était la bonne voie vers le salut, la réponse suivante :

Votre religion est bonne, vous n’en devez pas chercher d’autre ni douter que vous n’y fassiez votre salut, pourvu qu’en vous attachant à la piété vous meniez en même temps une vie paisible et tranquille.

Cette réponse relève :

• De l'anticléricalisme.

• De l'athéisme.

• De l'indifférence religieuse.

• De l'indifférence à la religion.

L'Apologie de la religion chrétienne est une oeuvre inachevé de Blaise Pascal qui nous a été transmise sous la forme du recueil Pensées. Le célèbre fragment dit du "pari" s'arrête au moment où Pascal met en scène un dialogue où la capacité de la démonstration qu'il vient d'effectuer à déclencher la moindre conversion est contestée avec virulence :

Mais apprenez au moins que votre impuissance à croire, puisque la raison vous y porte, et que néanmoins vous ne le pouvez, vient de vos passions. Travaillez donc, non pas à vous convaincre par l’augmentation des preuves de Dieu, mais par la diminution de vos passions. Vous voulez aller à la foi, et vous n’en savez pas le chemin ; vous voulez vous guérir de l’infidélité, et vous en demandez les remèdes : apprenez de ceux qui ont été liés comme vous, et qui parient maintenant tout leur bien ; ce sont gens qui savent ce chemin que vous voudriez suivre, et guéris d’un mal dont vous voulez guérir. Suivez la manière par où ils ont commencé : c’est en faisant tout comme s’ils croyaient, en prenant de l’eau bénite, en faisant dire des messes, etc. Naturellement même cela vous fera croire et vous abêtira.

De quoi Pascal cherche-t-il à avertir ses lecteurs ?

• Que la religion rend bête.

• Que la coutume est seule importante.

• Que la coutume est plus importante que l'enseignement de la Foi et que les Bonnes Oeuvres dans la diffusion et la perpétuation d'un croyance religieuse.

• Que l'observation des coutumes est un soutien aussi indispensable à l'exercice de la Piété et de l'Amour véritable que la perfectionnement de la raison jusqu'à l'appréhension de "la raison ultime".