« S’il est à tous nos actes un but définitif que nous voulions atteindre pour lui -même et en vue duquel nous recherchions tout le reste ; si, d’un autre côté, nous ne pouvons pas dans nos déterminations remonter sans cesse à un nouveau motif, ce qui serait se perdre dans l’infini et rendrait tous nos désirs parfaitement stériles et vains, il est clair que le but commun de tous nos vœux sera le bien, et le bien suprême. Ne faut-il point penser aussi que, pour la règle de la vie humaine, la connaissance de cette fin dernière ne soit d’une haute importance ? et que, comme des archers qui visent à un but bien marqué, nous soyons alors mieux en état de remplir notre devoir ? » (Aristote, Éthique à Nicomaque, ch. I, §§6-7)
« Le mot qui le désigne est accepté à peu près par tout le monde ; le vulgaire, comme les gens éclairés, appelle ce bien suprême le bonheur ; et dans leur opinion commune, vivre bien, agir bien est synonyme d’être heureux. Mais c’est sur la nature et l’essence du bonheur que les opinions se partagent ; et sur ce point, le vulgaire est très-loin d’être d’accord avec les sages. Les uns le placent dans des choses apparentes et qui éclatent aux yeux, comme le plaisir, la richesse, les honneurs, tandis que d’autres le placent ailleurs. » (Aristote, Éthique à Nicomaque, ch. II, §§ 2-4)
Pourquoi est-il essentiel, pour Aristote, que tout le monde, en parlant de bonheur, reconnaisse l'existence d'un mobile suprême et secondaire que l'on puisse se disputer sur le contenu concret de ce mobile suprême ?